Les prix de l’électricité vont augmenter en 2023

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D’après la dernière étude de l’Insee, la hausse des prix de vente de l’électricité devrait accélérer en 2023 en particulier pour les clients professionnels et ce, malgré les mesures gouvernementales.
 

« Pendant vingt ans, les prix de l’énergie n’ont pas bougé et en l’espace de deux ans… » Difficile pour Sylvain Moreau de ne pas insister sur le caractère exceptionnel du phénomène inflationniste qui touche les prix de l’électricité depuis 2021. Le directeur des statistiques d’entreprises de l’Insee présentait ce mercredi les résultats de sa première enquête sur l’évolution attendue en 2023 des prix de l’électricité aux côtés de Nicolas Studer, chef de la division Indices des prix à la production. Entre mi-décembre et mi-janvier, l’Insee a sollicité les fournisseurs d’électricité pour qu’ils déclarent les prix moyens et les volumes d’électricité livrés selon les secteurs et selon les segments de puissance pour les années 2021, 2022 et 2023.

Il en ressort que la hausse des prix de vente de l’électricité va bel et bien s’accélérer en 2023, en particulier pour les clients professionnels qui seront confrontés à une augmentation moyenne de 84% par rapport à 2022. Cette hausse sera bien plus contenue pour les ménages puisqu’elle devrait se situer autour des 16% grâce au nouveau seuil du bouclier tarifaire qui limite dès aujourd’hui la hausse des tarifs réglementés de vente (TRV) à 15%. « Les ménages bénéficient d’un marché davantage protégé que les clients professionnels », indique l’Insee. Déjà entre 2021 et 2022, les prix de l’électricité n’avaient augmenté que de 5% pour les particuliers contre 21% pour les entreprises.

Une tendance inflationniste qui remonte à deux ans

Plusieurs phénomènes succincts voire simultanés ont participé à alimenter cette flambée des prix de l’électricité. En 2021, il y a d’abord eu la reprise économique à la sortie de la pandémie de Covid-19 qui a entraîné « un fort accroissement de la demande de matières premières et d’énergie, notamment d’électricité, et a donc enchéri leurs cours ». Par ailleurs, « la mise à l’arrêt de réacteurs nucléaires et les tensions autour du gazoduc Nord Stream 2 ont conduit à une baisse de l’offre d’électricité, notamment en France » laquelle a poussé à la hausse les cours des marchés spot et à terme.

En février 2022, le gouvernement a ainsi mis en place un bouclier tarifaire pour limiter la hausse des TRV à 4% et dont ont pu bénéficier un tiers des sites professionnels ayant souscrit un contrat de puissance inférieur à 36 kVA. Un dispositif qui a presque coïncidé avec le début de la guerre en Ukraine, conflit qui a de nouveau fait grimper fortement les prix de l’électricité: +488,7% pour l’électricité vendue en gros sur le marché au comptant EPEC (Bourse d’électricité européenne au comptant) en mars 2022 en glissement annuel.

Une hausse des prix insuffisamment atténuée en 2022

« L’Arenh explique la moindre croissance des prix français par rapport aux voisins européens », souligne Nicolas Studer. Et pour cause, l’augmentation du quota de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique a donné lieu à des remboursements sur les factures des clients professionnels qui ont limité l’augmentation de ces dernières. Mais à la fin de l’été, les prix français ont souffert des nombreux réacteurs nucléaire à l’arrêt, des prévisions pessimistes de redémarrage pour l’hiver à venir ainsi que des craintes autour de l’approvisionnement en gaz alors que les livraisons russes diminuaient drastiquement. Résultat: une hausse de 563,9% en glissement annuel des prix de l’électricité vendue en gros sur le marché au comptant EPEC en août 2022.

Ce n’est qu’à l’automne que la tendance s’est inversée avec une chute des cours des marchés de gros permise par des températures particulièrement clémentes en France. A noter toutefois que ces mêmes cours conservaient un niveau élevé. « A partir de novembre 2022, les prix au comptant retrouvent leur niveau de 2021 mais les prix sur les marchés au comptant et à terme restent plus de deux fois supérieurs (+126,9%) à ceux enregistrés un an auparavant, en raison des prix élevés des contrats à terme souscrits à l’été », indique l’Insee. « Beaucoup d’entreprises ont conclu leurs contrats au plus haut par peur que les prix continuent d’augmenter », souligne le chef de la division Indices des prix à la production.

Des entreprises énergivores contraintes de réorganiser leur activité

Le fabricant de jeans « made in France » 1083 a été victime de ces multiples fluctuations depuis deux ans. « On a un peu plus que doublé notre facture d’énergie entre 2021 et 2022 car on avait un très bon contrat pour 2021 et qu’on l’a resigné au mauvais moment pour 2022 [à l’automne 2021, quand les prix remontaient en flêche], évoque le fondateur de la marque Thomas Heuriez. On a anticipé une baisse qui ne s’est pas produite et la facture a encore doublé quand on a de nouveau signé un an plus tard pour l’année 2023 avec un prix autour de 480 euros le mégawattheure. »

Si la phase de conception consomme peu d’énergie car la PME a recours à des machines à coudre, son usine de tissage est particulièrement énergivore, si bien que le poste énergétique représente aujourd’hui 20 à 30% des marges de l’entreprise. Conséquence de ces baisses et hausses à répétition, l’activité de 1083 a s’est trouvée particulièrement désorganisée.

Aujourd’hui, le patron de la PME se pose de nouveau la question du recours chômage partiel. Pour faire face à ces prix de l’électricité toujours plus élevés, il envisage plusieurs options : « On étudie à la loupe nos contrats car on s’est aperçu que travailler hors des pics de consommation, c’est-à-dire la nuit et en pleine journée, on pouvait avoir des prix plus attractifs. On se demande aussi si on ne va pas tous prendre des congés en juillet pour bénéficier de prix plus bas au mois d’août comme l’activité industrielle est fortement réduite à ce moment. »

Des hausses qui varient selon le secteur d’activité et la puissance souscrite

Alors qu’elle était d’environ 21% entre 2021 et 2022, la hausse des prix de vente aux clients professionnels devrait donc quadrupler entre 2022 et 2023. Basé sur les contrats passés pour l’année prochaine, ce chiffre est donc susceptible d’évoluer en cas de renégociation et ne prend pas en compte les effets des différentes mesures gouvernementales: l’amortisseur électricité, du plafonnement pour les TPE et du guichet d’aide au paiement des factures de gaz et d’électricité.

En revanche, les données mettent en avant des différences dans le degré d’exposition des clients professionnels à la hausse des prix de l’électricité. Ainsi, l’augmentation serait plus marquée dans l’industrie et l’agriculture (+92% en 2023) que dans les secteurs marchands tertiaires (+77%) et non marchands (+66%), ce dernier correspondant notamment aux collectivités locales.

La taille des entreprises influe donc également: « La hausse serait de 80% pour les clients ayant contracté pour une puissance élevée de basse tension (segment C4, entre 36 et 250 kVA) et de 38% pour ceux ayant un contrat d’une plus faible puissance (C5, inférieur ou égal à 36 kVA). » Selon les projections de l’Insee, ce sont les prix du segment C4 qui deviendront les plus élevés en 2023, passant devant ceux du segment C5 qui relèvent pour partie du tarif réglementé.

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